La
Garde impériale donne pour la dernière fois
Waterloo, "morne
plaine"... Il est sept heures du soir... L'Empereur ordonne un nouvel
assaut général de la ligne alliée. Tandis que Reille et d'Erlon poussent de
nouveau leurs troupes en tirailleurs et en colonnes vers le plateau, Napoléon
forme, en personne, deux vagues d'assaut avec les neuf derniers bataillons
disponibles de sa Garde.
Une première vague, sous le maréchal
Ney, constituée de cinq bataillons appuyés par une batterie à cheval,
attaquera le centre de la droite anglaise ; une seconde vague, sous l'Empereur
lui-même (puis sous Cambronne, puis sous Christiani), restera en réserve au
pied du plateau avec les quatre autres bataillons.
La première vague d'attaque
(moins de trois mille hommes) est organisée en deux colonnes : à droite, les
grenadiers à pied sous Roguet (1er bataillon du 3e grenadiers et 4e grenadiers
réduit à l'effectif d'un bataillon) ; à gauche, les chasseurs à pied sous
Michel (1er et 2e bataillons du 3e chasseurs et 4e chasseurs réduit
à l'effectif d'un bataillon), toutes unités de Moyenne Garde.
La seconde vague de réserve
comprend le 2e bataillon du 3e grenadiers de Moyenne Garde, détaché vers le
Goumont, le 1er bataillon du 2e grenadiers, le 2e bataillon du 1er chasseurs et
le 2e bataillon du 2e chasseurs, unités de Vieille Garde (le 2e bataillon du 2e
grenadiers et le 1er bataillon du 2e chasseurs étant à Plancenoit sous Pelet,
le 1er grenadiers étant à Rossomme sous Petit en protection avancée du Grand
quartier général et le 1er bataillon du 1er chasseurs étant au G.Q.G. du
Caillou).
Soutenus par le feu redoublé de
l'artillerie, les grognards s'élancent au pas de charge en scandant leur marche
aux cris de "Vive l'Empereur !" Quand ils débouchent sur le plateau,
un violent tir à mitraille, provenant de toutes les batteries anglaises de réserve,
converge sur eux et, les frappant de face et de flanc, leur cause de lourdes
pertes. "A chaque décharge, les colonnes ondulaient comme blé au
vent", a rapporté un artilleur britannique. Néanmoins, elles poursuivent
imperturbablement leur attaque, droit au cœur de l'ennemi !
A droite, malgré le feu meurtrier de deux batteries qui croisent leur tir et la fusillade nourrie des troupes de ligne, le 1er bataillon du 3e grenadiers, qui porte son effort à la charnière des forces britanniques et néerlandaises, d'un seul élan, culbute deux bataillons alliés et repousse deux régiments anglais dont le reflux tourne à la déroute. Au même moment, un peu plus loin sur la gauche, le 4e grenadiers enfonce les deux autres régiments de la brigade britannique : la percée semble réalisée ! Hélas, une brigade de cavalerie anglaise et une brigade hollando-belge d'infanterie fraîche surgissent. Quinze cents cavaliers et trois mille cinq cents fantassins, sans compter ceux de la ligne, contre un millier d'hommes : même les soldats d'élite de la Garde ne peuvent résister et se replient en combattant, en bon ordre.
A gauche, le 3e chasseurs
attaque directement la brigade anglaise des gardes, plus nombreuse et bien
retranchée. Fonçant à travers la mitraille, il chasse les artilleurs de trois
batteries et aborde la ligne de défense. Mais les gardes anglais demeurent
invisibles : les soldats se sont en effet couchés dans les blés et, d'un seul
coup, se dressent et fusillent les grognards à bout portant de leur tir dense
et précis. La décharge est dévastatrice. En une minute, trois cents hommes
sont mis hors de combat (le général Michel est tué) ! Les chasseurs, surpris,
tentent de se déployer, mais les Britanniques chargent et les soldats de la
Garde impériale, bousculés par la fusillade, sont contraints de reculer pas à
pas dans un furieux corps à corps. Cependant, le 4e chasseurs arrive et, fort
de ce maigre soutien, les grognards contre-attaquent violemment malgré leurs
pertes. Sans attendre le choc, les gardes anglais refluent en désordre.
Heureusement pour eux, une nouvelle brigade britannique, appuyée par de la
cavalerie, vient à leur secours sur le flanc des chasseurs. Selon un historien
belge, "accablés par le nombre, fusillés de face et de côté, écharpés
par le feu concentrique de l'artillerie, les grognards de la Garde impériale rétrogradent
en bon ordre".
Plus tard, au moment de la déroute française causée par l'irruption de nouvelles forces prussiennes sur les arrières, tandis que la Jeune Garde se fait tuer sur place en défendant le village de Plancenoit, la Vieille Garde, formée en carrés, fait front et tient ferme. Décimée par les assauts conjugués de l'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie alliées, elle serre les rangs, puis se replie lentement en triangles, marquant le pas comme à l'exercice pour repousser les attaques et se reformer. Échappant au déluge de feu, les survivants se réunissent en colonnes et couvrent la retraite de l'Empereur...