Analyse du moral

Par Gustave Martinez

 

Le moral est la caractéristique la plus importante de la règle LGA (La Grande Armée) tout comme elle était l’une des principales composantes de la guerre pendant la période napoléonienne.

On imagine la guerre napoléonienne, et le jeu d’histoire de cette période, comme des éternels et sanglants corps à corps. Ils ont certes existé mais ils furent très rares en fonction des innombrables engagements.

Pour mieux imager mes propos je vais m’appuyer sur l’ouvrage d’Ardant du Picq « Etudes sur le combat » (les propos sont en italiques).

Dans la règle LGA chaque unité a un certain nombre de points de force (PF), ce dernier détermine sa capacité de combat et son seuil de moral. Au fur à mesure des combats ce dernier va diminuer, cela s’appelle l’usure du combat qui est l’essence même du combat napoléonien, la dégradation de l’environnement ne jouera que sur son moral (unités détruites).

Une unité d’infanterie doit faire un test de moral dès qu’elle prend une perte suite à un tir, dès qu’elle est la cible d’une artillerie, dès qu’elle reçoit une charge, dès qu’elle veut charger un ennemi ou dès qu’elle termine un corps à corps. Donc une unité d’infanterie qui est chargée par un adversaire va tester son moral. Elle jettera un dé 20, celui-ci sera modulé par certains facteurs :

-         +2 si le général est avec l’unité.

-         +1 si le général est à 10 cm ou moins de l’unité (non cumulable).

-         +1 si l’unité est russe ou anglaise et qu’elle a un ordre de tenir.

-         De +1 à +3 si elle est à couvert dans un terrain qui l’abrite.

-         -2 si elle est déjà en désordre.

-         -2 si elle est au contact de la cavalerie et qu’elle n’est pas en formation de carré.

-         +4 si elle est en ordre et en carré contre une charge de cavalerie.

-         -1 par unités appartenant à la même division et qui sont en déroute.

En fonction du résultat final elle restera en ordre, deviendra désorganisée ou pire partira en retraite ou en déroute.

Mais l'ennemi ne tient jamais sur place; la pression morale du danger qui s'avance est trop forte pour atteindre; autrement, qui tiendrait bon, en joue même avec des fusils vides, ne verrait jamais charge arrivée jusqu'à soi, parce que le premier rang de l'assaillant se sentirait mort et que nul ne voudrait être au pre­mier rang. Donc l'ennemi ne tient jamais sur place, parce que, s'il tient, c'est vous qui fuyez, ce qui supprime toujours le choc. Il supporte une angoisse qui n'est pas moindre que la vôtre, et quand il vous voit si près, pour lui aussi pas de milieu, fuir ou aller au-devant. Et la question alors est entre deux impulsions morales.

Voici le raisonnement instinctif qui se fait chez le soldat, chez l'officier : si ces hommes m'attendent ou s'ils viennent jusqu'à moi, à brûle-pourpoint, je suis mort. Je tue, mais je suis tué pour sûr; à bout de canon la balle ne s'égare plus. Mais si je leur fais peur, ils se sauvent et ce sont eux qui reçoivent balles et baïonnettes dans le dos. Essayons; et l'on essaie, et toujours l'une des deux troupes, si près que l'on voudra, à deux pas si l'on veut, fait demi-tour avant l'abordage et reçoit les baïonnettes dans le dos.

Il y a donc 4 cas de figures, que ce passe-t-il donc pour l’unité qui est en charge :

* Son adversaire est en ordre et l’attends de pied ferme. Celui-ci en fonction de sa formation va effectuer un tir ou contre charger. L’unité chargeant doit maintenant tester son moral pour savoir si elle va charger à fond, c'est-à-dire si elle a assez de détermination pour contacter son adversaire. Elle jettera un dé 20, celui-ci sera modulé par certains facteurs :

-         +2 si le général est avec l’unité.

-         +1 si le général est à 10 cm ou moins de l’unité (non cumulable).

-         +1 si l’unité est française et qu’elle a un ordre d’attaque.

-         De +1 à +2 si d’autres unités chargent en même temps la même unité.

-         -2 si elle va contacter une unité en ordre et en colonne (sauf doctrine prussienne ou britannique).

-         -4 si elle va contacter une unité en ordre et en ligne.

-         -1 par unités appartenant à la même division et qui sont en déroute.

En fonction du résultat final elle restera en ordre et pourra contacter son adversaire, deviendra désorganisée et arrêtera sa charge ou pire partira en retraite ou en déroute.

Si le bataillon a résolument marché, s'il est en ordre, il y a dix à parier contre un que l'ennemi s'est retiré déjà sans attendra davantage; mais l'ennemi ne bronche pas. Alors l'homme nu de nos jours contre le fer ou le plomb ne se possède plus; l'instinct de la conservation le commande absolument. Deux moyens d'éviter ou d'amoindrir le danger et pas de milieu : fuir ou se ruer. Ruons-nous. Eh bien! si petit soit l'espace, si court soit l'instant qui nous sépare de l'ennemi, encore l'instinct se montre. Nous nous ruons, mais... la plupart, nous nous ruons avec pru­dence, avec arrière-pensée plutôt, laisser passer les plus pressés, les plus intrépides, et ceci est singulier, mais absolument vrai, nous sommes d'autant moins serrés que nous approchons davantage, et adieu la théorie de la poussée, et si la tête est arrêtée, ceux qui sont derrière se laissent choir plutôt que de la pousser, et si cependant cette arrêtée est poussée, elle se laisse choir plutôt que d'avancer. Il n'y a pas à se récrier, c'est ainsi. La poussée a lieu, mais pour le fuyard.

* Son adversaire est en désordre. L’unité chargeant doit tester son moral pour savoir si elle va charger à fond. La procédure est la même que ci-dessus mais elle n’aura pas le -2 ou -4 d’unité ennemie en ordre.

Le choc est un mot. La théorie de Saxe, la théorie Bugeaud: « Allez de près à coups de baïonnette et de fusil tirés à brûle pourpoint; c'est là qu'il se tue du monde et c'est le victorieux qui tue » n'est fondée sur aucune observation. Nul ennemi ne vous attend si vous êtes résolu, et jamais, jamais, jamais il ne se trouve deux résolutions égales face à face. Et cela est tellement connu, senti de tout le monde, de toutes les nations, que les Français n'ont jamais rencontré qui résistât à une charge à la baïonnette,

Les Anglais en Espagne, en marchant résolument au-devant des charges en colonne des Français, les ont toujours culbutés. Les Anglais ne s'effraient pas de la masse; si Napoléon se fût rappelé la défaite des géants de l'Armada par les barquots anglais, il n'eût pas ordonné la colonne d'Erlon (soit Napoléon, soit un autre).

Blücher, dans ses instructions à ses troupes, rappelle que jamais les Français n'ont tenu devant la marche résolue des Prussiens en colonne d'attaque...

Souvarov ne connaissait pas de meilleure tactique et ses bataillons nous ont, en Italie, chassés devant leurs baïonnettes, etc.

Tous les peuples de l'Europe disent : nul ne tient devant une attaque à la baïonnette franchement faite par nous, et tous ont raison; pas plus Français qu'autres ne tiennent devant attaque résolue. Tous sont persuadés que leurs attaques sont irrésistibles; allez au-devant, vous les étonnerez si fort qu'ils fuiront. (Baïonnette au canon ou dans le fourreau, il n'importe...)

Dans les 2 autres cas, ou l’unité s’est repliée, le chargeant avancera de 5 cm. Cela simule la distance nécessaire pour arrêter une charge, d’ailleurs c’elle-ci peut se transformer de nouveau en charge si elle contacte un nouvel adversaire sur ce parcours.

En résumé, il n'y a point de choc d'infanterie à infanterie; il n'y a point d'impulsion physique, de force de masse, il n'y a qu'une impulsion morale et personne ne nie que cette impulsion morale ne soit d'autant plus forte qu'on se sent mieux soutenu, qu'elle n'ait une action d'autant plus grande sur l'ennemi qu'elle le menace avec plus de monde, d'où s'ensuit que la colonne vaut mieux pour l'attaque que l'ordre déployé.